Description
Aucune volupté ne surpasse celle qu'on éprouve à l'idée qu'on aurait pu
se maintenir dans un état de pure possibilité. Liberté, bonheur, espace
- ces termes définissent la condition antérieure à la malchance de
naître. La mort est un fléau quelconque ; le vrai fléau n'est pas devant
nous mais derrière. Nous avons tout perdu en naissant. Mieux encore que
dans le malaise et l'accablement, c'est dans des instants d'une
insoutenable plénitude que nous comprenons la catastrophe de la
naissance. Nos pensées se reportent alors vers ce monde où rien ne
daignait s'actualiser, affecter une forme, choir dans un nom, et où,
toute détermination abolie, il était aisé d'accéder à une extase
anonyme. Nous retrouvons cette expérience extatique lorsque, à la faveur
de quelque état extrême, nous liquidons notre identité et brisons nos
limites. Du coup, le temps qui nous précède, le temps d'avant le temps,
nous appartient en propre, et nous rejoignons, non pas notre figure, qui
n'est rien, mais cette virtualité bienheureuse où nous résistions à
l'infâme tentation de nous incarner.
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